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- DES COMMERCANTS, DES CARAVANIERS,
DES ELEVEURS DEPUIS TOUOURS
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- Depuis les très longtemps, les habitants
de la corne de l'Afrique ont pratiqué le commerce.
- Déjà 2300 ans avant j.-c.,
les Egyptiens venaient chercher l'encens, la myrrhe, le kohol,
les plumes et oeufs d'autruche au pays de Pount. Depuis des millénaires,
le sel du lac Assal partait vers les hauts plateaux de l'intérieur
et au-delà. Les traditions de commerce entre l'arrière-pays,
les côtes africaines, l'Arabie et l'Inde sont aussi anciennes
que les populations.
- Les hommes d'autrefois, et jusqu'à
ceux d'aujourd'hui, ont toujours pratiqué les échanges:
tradition des commerçants dans les ports, tradition des
caravaniers à côté de celle des éleveurs
nomades.
- Avant l'arrivée des Européens,
les caravanes partaient de Tadjoura vers le nord et vers l'ouest.
La tradition populaire dit que les feux des haltes n'avaient
pas le temps de s'éteindre entre le passage de deux caravanes
successives. Ce sont des milliers de chameaux qui circulaient
ainsi.
- Les marchandises transportées venaient
des Indes essentiellement, soit par Aden, soit directement. Le
marchand le plus important à l'époque du pacha
Chermarké était sans conteste Abou Baker Ibrahim.
- De tout temps la navigation traditionnelle
dans la région était assurée par des boutres,
de plus petits comme les zeimas que l'on voit encore aujourd'hui,
aux plus gros, pontés et armés de deux mâts.
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- ARRIVEE DES EUROPEENS
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- Les Anglais sont les premiers à avoir
eu une politique en mer Rouge. Ils s'installèrent à
Aden, prise le 16 janvier 1839.
Les Français commencèrent plus timidement. Ils
pensaient que l'Abyssinie pourrait être intéressante
lorsque la mer Rouge s'ouvrirait à la navigation grâce
au canal de Suez. D'autres Français s'intéressèrent
à l'Éthiopie. Les Anglais, inquiets des mouvements
français en mer Rouge, s'assurèrent des "droits"
sur les îles Moucha et Maskali, le 31 août 1840,
puis sur l'îlot Abou-Maya, à l'entrée du
Ghoubbet-el-Kharab et enfin sur l'îlot d'Eivat face à
Zayla. Ils signèrent un traité de commerce avec
le sultan de Tadjoura et avec Chermarké, le pacha de Zayla.
Les Français cherchèrent à établir
des contacts. C'est ainsi qu'Henri Lambert, commerçant
français de Maurice, s'installa à Aden en 1855.
Il devint agent consulaire en 1857. Il se lia avec Abou Baker
Ibrahim, puis il commit l'imprudence de se mêler à
des rivalités locales entre Abou Baker et Chermarké,
s'attirant l'animosité de ce dernier. Abou Baker offrit
à Lambert la cession de droits sur le Ras Ali et la baie
d'Ouanno (Obock). Le conflit entre Henri Lambert et le pacha
Chermarké s'envenima à tel point que ce dernier
décida la perte de le tuer. Au cours d'un voyage en boutre,
le 4 juin 1859, au mouillage de Moucha, les membres de l'équipage
assommèrent, dépouillèrent et jetèrent
à la mer Henri Lambert.
Son assassinat provoqua une réaction officielle du gouvernement
français. Cette fois, la France s'engagea: le Il mars
1862 fut signé à Paris un traité d'alliance
et d'amitié avec les chefs afars représentés
par Dini Ahmed Abou Baker, et conclue la cession de droits sur
des terrains sis à Obock pour la somme de 10 000 thalers
(55 000 francs-or). Un acte additionnel réservait des
droits à la France sur les côtes du Ghoubbet-el-Kharab.
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OBOCK, LA PREMIERE CAPITALE
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- En 1862, Obock tomba dans l'oubli, seul un
gardien surveillait le pavillon français que les navires
de guerre saluaient à leur passage d'une salve d'artillerie.
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- L'INITIATIVE REVIENT AUX
COMMERCANTS
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- Denis de Rivoyre obtint la première
concession à Obock en 1872. Puis Pierre Arnoux, arriva
en 1880 et tous deux fondèrent en 1881 la Compagnie Franco-Éthiopienne.
La même année, Soleillet et Chefneux créèrent
la Société Français. La société
fit faillite en 1886 et enfin Brémond fonda les Factoreries
Françaises. Leur commerce portait sur les marchandises
traditionnelles et sur les armes d'importation. Les marchandises
importées transitaient par Aden et venaient à Obock
par boutre. Les caravanes partaient d'Obock, de Tadjoura, de
Sagallou et s'acheminaient vers Ankober ou vers Harar.
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- LES GRANDES MUTATIONS DES
ANNÉES 1880
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- A partir de 1882 s'ouvrit une nouvelle période:
celle de l'intervention directe des puissances européennes
dans la région. Une nation dominait toutes les autres
et menait le jeu: la Grande-Bretagne. Afin de limiter l'influence
française, les Britanniques préférèrent
soutenir les Italiens, présents à Assab. En juillet
1884, ils occupèrent Berbera et Zayla mais furent devancés
par les Français à Tadjoura. Lagarde, mis au courant
des intentions des Britanniques, envoya un aviso devant Tadjoura
la nuit même qui suivit le départ de la garnison
égyptienne. Lorsque le lendemain au matin, le navire de
Sa Majesté mouilla devant la ville, le pavillon français
flottait toujours sur Tadjoura.
C'est à cette époque qu'Arthur Rimbaud commerçait
avec Ménélik et faisait partir ses caravanes de
Zayla et de Tadjoura. En 1884, il s'y installa à son propre
compte mais ne réussit guère dans ses affaires.
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- APRÈS LES COMMERÇANTS,
L'ADMINISTRATION
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- Le gouvernement français s'était
complètement désintéressé d'Obock
depuis le traité de 1862. Tout allait changer avec l'affaire
du Tonkin et la guerre franco-chinoise de 1883-1885, puis les
premières opérations à Madagascar. Les vaisseaux
de la marine de guerre devaient souter le charbon au sud de la
mer Rouge. Ils le faisaient habituellement à Aden. Or
les Anglais fermèrent leur port à la marine française.
On se souvint alors que Jules Mesnier et les Charbonnages Poingdextre
du Havre avaient installé un dépôt de charbon
à Obock pour ravitailler les bateaux de la "Ligne
d'Orient des steamers de l'Ouest" ralliant Zanzibar au Golfe.
Une convention fut donc signée pour l'approvisionnement
des navires de l'État, le 19 décembre 1883.
Le 29 décembre 1883, un décret nommait le vicomte
Léonce Lagarde de Rouffeyroux "Commissaire du Gouvernement
en mission spéciale à Obock pour la reconnaissance
et la délimitation du Territoire d'Obock". Il avait
24 ans. Il rendit compte de sa mission à Paris en avril
1884 et deux mois plus tard était nommé commandant
d'Obock.
La première tâche de Lagarde fut de régulariser
la situation avec ses voisins immédiats. Il signa un traité
d'alliance et de protectorat avec le sultan de Tadjoura, puis
avec le sultan du Gobaad. Le sultan de Rahaïto, quant à
lui, était soumis à l'influence des Italiens d'Assab.
Il reconnut néanmoins, le 10 janvier 1885, la "souveraineté"
française sur la côte de la mer Rouge, du Ras Ali
au Ras Doumeïra. L'influence française était
ainsi limitée au nord.
Lagarde signa encore un traité avec les notables Issas,
tandis qu'au même moment Henry, consul de France à
Zayla, concluait un accord avec les Gadaboursis. C'est alors
que s'engagea la compétition avec les Anglais. Lagarde
convoitait Zayla et la route commerciale Zayla-Harar. Rapidement
il avait compris qu'Obock ne devait pas être seulement
une escale pour les navires de guerre français. L'avenir
de la position française sur ces côtes lui semblait
lié aux rapports politiques et commerciaux qui pourraient
s'établir avec l'Éthiopie.
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- LES OBOCKOIS DE LA PÉRIODE
HÉROÏQUE
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- En juillet 1885, Obock comptait 800 habitants,
en 1886, il y en avait deux mille!
Lagarde fut nommé gouverneur le 5 septembre 1887.
Vingt-deux commerçants dont douze Européens s'étaient
installés à Obock.
Le 30 juin 1886, la Compagnie des Messageries Maritimes signait
avec l'État une convention pour l'acheminement du courrier
et le transport des fonctionnaires. Un agent de la compagnie
vint donc s'installer à Obock où les navires devaient
faire escale.
Les autres commerçants étaient essentiellement
d'origine arabe yéménite. Lagarde avait demandé
au consul de France à Aden d'inviter quelques familles
à s'installer à Obock et de trouver de la main
d'uvre pour les manutentions du port. C'est l'origine du
premier noyau yéménite d'Obock, qui deviendra ensuite
le premier noyau yéménite de Djibouti.
Peu de femmes résidèrent à Obock, huit seulement
y vécurent: deux femmes de fonctionnaires, deux femmes
de négociants et quatre religieuses - des Franciscaines
de Calais venues tenir un orphelinat en 1888.
Le reste de la population était composé de quelques
Somalis et d'Afars venus des campements avoisinants qui assuraient
le rassemblement des chameaux nécessaires aux caravanes.
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- LES AMBITIONS DE LAGARDE
-
- Une fois la guerre de Chine achevée,
le rôle d'Obock pouvait sembler terminé.
Mais abandonner Obock, c'était voir disparaître
les privilèges français acquis tout autour du golfe
de Tadjoura, à la sortie de la mer Rouge. En outre Lagarde
n'avait pas l'intention de renoncer à l'uvre qu'il
avait entreprise. Pour lui, Obock était la première
marche des hauts plateaux éthiopiens.
En fait, une compétition franco-britannique s'engagea
autour de Zayla, porte de Harar. Des pourparlers n'aboutirent
que le 9 février 1888. Entre-temps, un élément
nouveau avait bouleversé l'horizon politique local: l'intervention
de l'Éthiopie dans les rivalités qui opposaient
les Européens établis sur les côtes. Chacun
chercha donc l'amitié et l'appui du puissant roi Ménélik.
C'est dans le cadre de cette lutte d'influence que Lagarde fut
amené à créer Djibouti et abandonner Obock.
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- LE PREMIER COMPTOIR
-
- Le 2 janvier 1887, Ménélik
entrait dans Harar. Les puissances européennes furent
surprises. Tous les plans échafaudés pour leur
extension vers l'intérieur devaient être reconsidérés.
Le Ras Makonen, devenu gouverneur de Harar écrivit à
Lagarde dans le but "d'établir d'amicales relations
". Le 1er juin, l'empereur Ménélik demandait
un passage jusqu'à la mer, sur la côte des Issas
en échange de la protection des négociants français
et de mesures contre le commerce des esclaves. Le 5 septembre,
Lagarde était nommé gouverneur du Territoire d'Obock,
et le 6, devenait "Consul Général des Somalis"
à Zayla. Le gouvernement français était
décidé à collaborer avec Ménélik
et à devancer les Anglais.
Le 8 février 1889 on aboutit à un accord, sans
respecter les traités antérieurs signés
avec les habitants du pays: la frontière partirait de
"Lehadou" (Loyada) à mi-chemin environ entre
le Ras Djibouti et Zayla et suivrait les points d'eau de la route
de Harar. Les îles Moucha et l'îlot d'Abou Maya étaient
cédés à la France.
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- LE RAS DJIBOUTI: UN ROCHER
DE MADRÉPORE, UNE ANSE, DE L'EAU DOUCE
-
- La paternité du choix du site est
controversée, tout comme l'est l'origine du nom... Plusieurs
explications ont été proposées: l'origine
Afar a été retenue par Monsieur Chédeville
et par Luc Kern. Du mot gabôdli, l'"endroit au gabdo"
ou gaboduti, dériverait le mot afar "Gabùti",
qui désigne Djibouti en afar encore aujourd'hui. Gabdo
signifie présentoir à galettes de dourah: c'est
une vannerie plate qui pourrait rappeler la forme des îles
madréporiques du Ras Djibouti. On trouve le mot somali
de Gabode sur la zone côtière sud-est de la ville
- un quartier en a conservé le nom -. C'est en fait un
mot somali qui signifie terre (ou individu) stérile, pays
ingrat. Faut-il donc retenir le nom afar, plutôt marin,
qui désignerait l'archipel ou le nom somali, plus pastoral,
qui désigne la région côtière?
Le site était connu des navigateurs arabes qui venaient
s'y abriter ou prendre de l'eau. Des puits existaient à
Ambouli et à Doralé. Quelques campements Issas
s'y fixaient saisonnièrement. Une tradition locale raconte
que les îles (Serpent, Marabout), accessibles seulement
à marée basse, servaient de refuge aux femmes et
aux enfants en cas d'affrontements avec les voisins. Une autre
tradition rapporte qu'un campement permanent se tenait près
d'un point d'eau situé au pied de l'actuelle rampe du
Bender. A la requête de Lagarde qui cherchait un endroit
favorable au sud du golfe, Bourhane Abou-Baker avait donc proposé
un point de la côte proche de Zayla, soit Ras Djibouti,
soit Doralé, soit Ambado plus à l'Ouest. Lagarde
y envoya des missions. C'est le commerçant Éloi
Pino qui aurait, le premier, utilisé Ras Djibouti pour
faire partir ses caravanes.
- Quoiqu'il en soit, la reconnaissance en fut
effectuée, l'excellence reconnue. Des commerçants
utilisèrent le site d'abord occasionnellement, puis s'y
installèrent. Lagarde enfin y fixa son choix.
-
-
- UN BEY À LA TÊTE
DE LA NOUVELLE VILLE
-
- Éloi Pino avait donc installé
quelques baraquements précaires dans un premier temps,
et ses employés quelques huttes; il fut rapidement suivi
par d'autres commerçants.
Lorsque Lagarde reçut l'accord de Paris, il inaugura officiellement
Djibouti au début du mois de mars 1888. Ce n'était
encore qu'un marché sur le plateau de Djibouti, à
l'emplacement de l'actuelle Place du 27juin (Place Ménélik).
Le succès fut rapide: des commerçants de Zayla
achetèrent des caravanes. Quelques-uns commencèrent
à s'installer à côté d'autres venus
d'Obock. Le consul Labosse, ancien de Zayla, écrit le
7 juillet: "Chaque jour des habitants de Zeylah viennent
s'établir chez nous; ils y trouvent de l'eau en abondance,
sont bien traités et à l'abri des agents anglais.
"
Brémond déménagea sa factorerie et la reconstruisit
près de l'endroit où Lagarde avait débarqué.
Il fut rapidement suivi par d'autres comme Garrigue, Coubèche,
Marill, etc.
Se posa alors pour Lagarde le problème de l'administration
de ce nouveau comptoir. Deux possibilités s'offraient
à lui: "Soit établir de toutes pièces
une administration et une ville européenne, comme je l'avais
fait à mon arrivée à Obock. Soit m'adresser,
au contraire, à un chef indigène qui s'installerait
dans le pays avec un subside de notre part, le créerait
en y attirant ses tribus, et serait soumis à notre simple
contrôle. "
Lagarde nomma donc Bourhane Abou Baker, bey de Djibouti. Pour
diriger la ville naissante, il disposait d'un embryon d'administration:
un Diwan. Bourhane s'installa à Ras Djibouti avec sa famille.
Il fit construire une maison de madrépore au bord de la
mer et jeter un petit pont sur le bras de mer qui porta ensuite
son nom: le Khor Bourhane. Le Diwan fut édifié
sur la place du marché, de même qu'un poste de police.
Cette place était la place centrale, dite "du Gouvernement".
Lagarde venait périodiquement à Djibouti. Il se
fit construire une résidence sur le rocher le plus élevé,
non loin de la maison de Bourhane.
Pour les toutes premières installations portuaires, le
principe de celles d'Obock fut répété: on
lança tout de suite une digue faite de moellons de madrépore,
d'environ 800 mètres de long. Elle partait du fond de
l'anse, au pied de la résidence de Lagarde. En fait, elle
permettait les opérations de transbordement des boutres
à marée basse. A marée haute, ils pouvaient
accoster au bord du rocher. Il n'existait ni engin de levage,
ni hangars d'aucune sorte. Les boutres faisaient la navette entre
Djibouti et Obock.
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- DJIBOUTI DEVIENT CAPITALE
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- La nouvelle ville eut très rapidement
beaucoup de succès, si bien que dès 1893, Djibouti
comptait 1200 habitants alors qu'Obock, la capitale, ne dépassait
pas le millier. L'administration française commença
à faire sentir son poids plus directement, finit par entrer
en conflit avec Bourhane Bey en 1894 et l'obligea à quitter
ses fonctions. L'année suivante, 4 à 5000 habitants
résidaient à Djibouti et, au mois de mars, Lagarde
opérait le transfert de tous les services administratifs.
A l'occasion de cette situation nouvelle, les Français
achevèrent d'asseoir leur autorité. Par le décret
du 90 mai 1896 ils créèrent une nouvelle colonie
en réunissant le Territoire d'Obock, les protectorats
sur Tadjoura, le Gobaad, le Ghoubbet-el-Kharab, le pays Issa
- jusqu'aux limites avec les Anglais - avec Djibouti pour capitale.
C'est l'acte de naissance officiel de la "Côte Française
des Somalis et Dépendances".
Pour faire face à son nouveau rôle, Djibouti devait
se doter des équipements nécessaires à une
capitale et à un port digne de ce nom.
La ville s'ordonna autour de trois pôles en fonction des
besoins commerciaux, administratifs et de l'habitat: le port
et les maisons de commerce, les bâtiments de l'administration
coloniale, les maisons des Européens, le marché
et les quartiers "indigènes".
Lagarde se fit édifier une résidence - le palais
- sur le rocher qui domine la rade. Les quais du port aux marchandises
furent disposés au pied du palais tandis qu'on lançait
la jetée de l'Escale pour y édifier le débarcadère
des passagers. Sur le rocher du Marabout, de l'autre côté
de l'anse, s'installèrent le port au charbon, au plus
loin de la ville en raison de la poussière, et la Compagnie
de l'Afrique Orientale avec ses chalands qui servaient au transbordement
des navires mouillés en rade.
Non loin du port, sur le rocher de Djibouti, s'organisa la place
centrale, nommée alors place du Gouvernement (place du
27 juin). L'administration emménagea au Secrétariat
Général tandis que les commerçants européens
construisaient au nord de la place et les commerçants
arabes au sud, limités par le talus du Bender. La première
mosquée, Sayed Hassan, fut édifiée en surplomb
du Khor Bourhane. Le marché central descendit au pied
du rocher de madrépore; point de départ et d'arrivée
des caravanes, il porta longtemps le nom de place des chameaux.
Le village somali, le Bender Diedid, avec ses maisons "arish",
fut repoussé au sud de cette grande place tandis qu'un
village de pêcheurs aux toits de paille - Boulaos - bordait
la côte du golfe d'Aden à l'est. A Ambouli enfin,
près de l'oued, des jardiniers arabes cultivèrent
des jardins maraîchers. Le commerçant Hammoudi fit
planter les premiers dattiers du Yémen.
Dès le départ, Djibouti affirmait sa vocation:
port de commerce, débouché des Hauts-Plateaux fertiles
et peuplés, escale maritime, point d'appui politique pour
la France. La physionomie générale de la ville
était esquissée. Deux grandes entreprises nouvelles
allaient lui donner le visage qu'elle garderait jusqu'à
la Deuxième Guerre mondiale: les Salines et le Chemin
de fer.
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L'AVENTURE DU CHEMIN DE FER
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- En vue de porter aide à la Mission
Marchand, qui devait traverser à pied le continent africain
depuis les côtes du Congo jusqu'au Nil Blanc, la Mission
de Bonchamps se proposait de rejoindre la rive droite du Nil
Blanc. Partant de Djibouti, elle traverserait l'éthiopie.
Lagarde fut chargé de la préparation diplomatique.
Ses pourparlers avec le ras Makonen puis le négus Ménélik
aboutirent à la signature du traité franco-égyptien
du 27 janvier 1897, aux conditions intéressantes pour
Djibouti. Il stipulait, entre autres clauses:
- que la France considérait Djibouti comme le seul débouché
du commerce éthiopien et autorisait le transit du matériel
de guerre nécessaire à l'Empire éthiopien,
- que l'Éthiopie considérait Djibouti comme le
seul débouché officiel du commerce éthiopien,
- que les frontières étaient fixées entre
la colonie et l'Éthiopie.
Le 11 février 1893, Alfred Ilg, ingénieur suisse,
obtenait de Ménélik la concession de la construction
de tous les chemins de fer en Abyssinie. Le 9 mars 1894, il fondait,
avec Chefneux, la Compagnie Impériale d'Éthiopie
pour la construction d'un chemin de fer Djibouti-HararAddis-Nil
Blanc. Le 7 août 1896 naissait la Compagnie Impériale
des Chemins de fer Éthiopiens. Malgré de médiocres
moyens financiers, les travaux débutèrent en octobre
1897 avec les entrepreneurs Duparchy et Vigouroux.
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- L'ÉPOPÉE:
DE LA C. I. E. AU C. F. E.
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- Les difficultés naturelles, techniques
et humaines étaient accablantes. Tout était à
créer, à importer, à amener à pied
d'uvre. Djibouti naissait à peine. Il fallait s'enfoncer
dans un pays désertique, peu sûr, au climat torride,
au relief torturé. Les moyens techniques étaient
rudimentaires, la situation sanitaire pleine de risques. Les
victimes furent relativement nombreuses (le souvenir en est resté
vif parmi les Djiboutiens). Les difficultés financières
furent encore plus grandes que les difficultés naturelles.
La ligne s'arrêta à Diré-Daoua (km 309, 1206m
d'altitude), le 24 décembre 1902, Harar étant jugé
impossible à atteindre à cause de l'escarpement,
et compte tenu des moyens qui restaient à la compagnie.
En mai 1904, s'engagèrent à Londres des négociations
anglo-franco-italiennes. Elles aboutirent à la signature,
le 6 juillet 1906,de "I'Accord Tripartite": le statu
quo politique et territorial de l'Éthiopie était
maintenu, un accord pour qu'une compagnie française continue
la ligne jusqu'à Addis-Abeba était signé,
mais la France renonçait à toute extension vers
le Nil. Cet accord permit la poursuite de la construction de
la ligne. La C. I. E. déposa son bilan le 6 juin 1907.
Le gouvernement mit tout en oeuvre pour qu'une société
française prit la succession. Le 15 mai 1909, naquit la
Compagnie du Chemin de Fer Franco-Éthiopien de Djibouti
à Addis-Abeba, plus connue sous son sigle C.F. E. Elle
bénéficiait de la garantie de l'état français
et put ainsi réunir les capitaux nécessaires à
l'achèvement de l'uvre interrompue depuis six ans.
Les conditions naturelles étaient toujours aussi dures.
Le climat était sans doute plus clément en altitude,
mais les conditions sanitaires encore plus déplorables.
Mais la Première Guerre mondiale désorganisa les
cadres et le personnel, ralentit les livraisons du matériel,
augmenta les prix... Le 31 janvier 1914, l'aouache était
franchi. Addis-Abeba fut atteinte en 1915 (km 783,256, altitude
2348 mètres), et la ligne ouverte officiellement au commerce
le 7 juin 1917.
La construction de cette ligne avait duré près
de vingt ans, coûté 115 millions de francs or et...
un certain nombre de vies humaines.
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- LA RÉVOLUTION DU
CHEMIN DE FER
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- La ville de Djibouti comptait approximativement
6000 habitants en 1897. Elle passa brusquement à 10 000
environ en 1898, puis à 15 000 en 1900, dont 2000 Européens.
La construction du chemin de fer nécessita des ingénieurs,
des contremaîtres et des ouvriers européens. Les
ouvriers avaient des tâches diverses: direction d'équipes,
armement de la voie; les moins qualifiés étaient
tâcherons et sous-tâcherons. Si les ingénieurs
étaient français, la plupart des contremaîtres
et ouvriers étaient italiens. Le personnel d'origine locale,
non spécialisé, travaillait en qualité de
manuvre. Il était composé essentiellement
d'Arabes et de Somalis. Leur nombre tourna autour de 1900, portant
le total du personnel durant la construction à 2500 personnes.
La compagnie s'assura la collaboration de personnalités
locales - tel Guelleh Batal - en qualité de responsables
du recrutement des ouvriers et du bon ordre. La construction
du chemin de fer, par son activité même et par les
possibilités qu'il ouvrait, allait transformer la petite
ville de Djibouti et la lancer véritablement.
Le plateau du Serpent était tout indiqué pour l'installation
du chemin de fer. On se trouvait ainsi à mi-chemin entre
les deux pôles d'activité de la ville - le port
aux marchandises et le port au charbon -, sur un endroit suffisamment
vaste et plat. Pour la gare, la construction métallique
était de rigueur : une armature de poutrelles d'acier
s'appuie sur un socle de moellons de basalte. Les murs sont de
brique, des galeries apportent l'ombre nécessaire. Pas
de fenêtres, mais seulement des volets de bois à
lames. La toiture est faite de tuiles rouges. Les haltes le long
de la ligne furent construites en basalte - la pierre du lieu
-, et recouvertes de tôle ondulée. Des logements
pour le personnel de direction s'établirent au sud-est
du Plateau. Rien ne déterminait encore rue ou place.
Les trois plateaux avaient besoin d'être reliés.
A marée haute, on ne pouvait circuler qu'à cheval
ou en barque. Le remblai du chemin de fer limitait l'avancée
de la mer à l'Est, mais le passage restait marécageux.
La Société Industrielle d'Orient fut chargée
de la construction d'une route sur remblai de madrépore.
Peu de temps après, une autre voie reliait le Serpent
au Marabout. Le port aux marchandises se dota de hangars et d'une
grue à vapeur.
Si les infrastructures se modernisaient, le monde du commerce
en fit autant. La Banque de l'Indo-Chine déménagea
pour de plus vastes bâtiments, à pied d'uvre,
face au port aux marchandises et commença à émettre
le papier-monnaie.
Le 12 février 1907, un décret du Gouverneur créait
la Chambre de Commerce. D'abord simple organe de renseignements,
elle devint une véritable chambre de commerce par le décret
du 31 mai 1912 signé du Ministre des colonies Lebrun et
du Président Fallières. Elle ne prenait en compte
que les patentés, ceux qui pratiquaient un commerce "à
l'occidentale". La notice de 1900 sur la Côte Française
des Somalis annonce 27 commerçants français, 29
grecs, 1 arménien, 192 arabes, indiens ou "indigènes".
On y trouve des noms connus tels que Hammoudi, Marill, Rhigas,
Riès.
La Société des Salines de Djibouti fut créée
par un industriel, monsieur La Fay. Il reprenait la première
concession qui avait été donnée en 1906
à monsieur Mingois. L'idée n'était pas nouvelle...
L'exploitation traditionnelle du sel du lac Assal est ancestrale.
Les premières salines furent implantées en 1906,
à l'ouest de la plaine inondable sur une superficie de
trois hectares. Elles s'agrandirent rapidement pour occuper quarante
hectares en 1913. Les installations étaient celles de
salines classiques, à ceci près que les pompes
élévatrices pour amener l'eau de mer étaient
actionnées par 5 ou 6 moulins à vent. En 1912,
les salines produisaient 1500 tonnes, en 1913, 2815 tonnes. Le
premier marché d'exportation fut celui d'Éthiopie.
La Société Industrielle avait à sa charge
l'adduction et la distribution des eaux. Elle avait installé
des pompes et un réservoir à Ambouli, des bornes-fontaines
dans la ville et une canalisation jusqu'à l'extrémité
de la jetée du Marabout pour approvisionner les navires.
Une canalisation de sept kilomètres reliait la ville à
Ambouli depuis 1900, mais on vit longtemps encore le chameau
distributeur parcourir les rues.
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- L'ENTRE-DEUX-GUERRES
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- Peu de faits marquants caractérisent
la période de la Première Guerre mondiale à
Djibouti, qui était en dehors des zones actives du conflit.
Signalons cependant qu'en 1911, les Allemands avaient demandé
Djibouti comme compensation dans la question de Tripolitaine
d'où ils avaient été évincés
au bénéfice des Italiens. Ils renouvelèrent
leurs revendications durant la guerre. En 1916, un détachement
de Tirailleurs Sénégalais repoussa une tentative
d'infiltration allemande.
La Côte Française des Somalis s'illustra en Europe
durant le conflit. Le Bataillon Somali participa glorieusement
à toutes les grandes batailles: Douaumont, Chemin des
Dames, la Malmaison, le Mont de Choisy, l'Oise, l'Alsace. Avec
ses 400 morts et 1200 blessés sur 1700 volontaires...
son régiment, le R.I.C. M., fut proclamé 1er Régiment
de France.
Malgré la guerre, le ralentissement des affaires et la
difficulté des transports, l'activité commerciale
augmenta de manière constante au rythme de l'avancement
de la voie ferrée.
Dans la ville elle-même, il y eut peu de nouveautés
pendant la guerre, si ce n'est la création en 1916 de
la première usine électrique de Repicci. Elle fournissait
un courant continu qui permettait de faire tourner quelques ventilateurs,
d'allumer quelques lampes et d'alimenter une machine à
glace. L'électricité, symbole du modernisme, circulait
à Djibouti...
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- L'APRÈS-GUERRE: LES
SIGNES DE LA PROSPÉRITÉ
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- Chemin de fer achevé, salines équipées
et en extension, installations portuaires capables de ravitailler
les navires en charbon, en eau et en vivres, Djibouti devait
cette fois répondre aux espérances et assurer son
double rôle de port d'escale et de port de transit. En
1920, Djibouti se classait en septième position par rapport
aux grands ports des colonies françaises.
Malgré des conditions d'exploitation difficiles et onéreuses,
la Compagnie du Chemin de Fer remboursait, depuis 1924, le capital
avancé au titre de la garantie et les intérêts,
servait de meilleurs dividendes à ses actionnaires. Elle
augmenta ses réserves, améliora son parc roulant
et construisit la gare d'Addis-Abeba.
Le trafic du port ne dépassa jamais les 150 000 tonnes
jusqu'aux années 30. Un bond éphémère
se produisit à partir de 1935, avec l'occupation italienne
de l'Éthiopie.
Durant cette période, les Salines qui occupaient 450 hectares
atteignirent leur plus grande activité, pour porter à
77 000 tonnes leur production, en 1936. Elles exportaient donc
vers l'Éthiopie, mais aussi vers l'Inde et le Japon. Le
port au sel était implanté au sud de la baie, derrière
les cités actuelles Einguéla et Arhiba.
Le service des Postes commença à se moderniser.
Il hérita en 1920 du télégraphe de la Marine
Nationale qui permettait des liaisons nocturnes avec la France,
Madagascar et l'Indochine. La station côtière (le
" Sanfil") assurait la liaison avec les navires en
mer et avec Aden et donc les câbles de l'Eastern. La liaison
avec l'Éthiopie passait par un fil loué au C. F
E. Un réseau téléphonique urbain fit ses
débuts à Djibouti.
Le service de Santé comprenait l'hôpital Intercolonial
racheté au C.F.E. de 44 lits (Peltier), une infirmerie
pour les "indigènes" (l'ancien Pierre Pascal),
un dispensaire (Chapon-Baissac) pour les femmes et les enfants
et un lazaret sur l'île du Héron.
L'enseignement primaire fut assuré par l'école
de garçons de la République à partir de
1922 pour l'enseignement public. Dans le privé, l'école
de la Nativité des Surs Franciscaines de Calais
accueillait les filles. Les enfants du pays suivaient la coutume
et fréquentaient les écoles coraniques ou l'école
Franco-Islamique ouverte par les soins de monsieur Coubèche.
Signe de temps nouveaux, le premier avion se serait posé
en 1925 entre les avenues 13 et 26. L'armée disposait
d'une demi-escadrille de Potez 25.
Ainsi Djibouti commençait à prendre des allures
de grande ville, mais elle restait limitée par les installations
sommaires de son port et Aden drainait toujours la majeure partie
du trafic maritime de la mer Rouge.
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- UNE ÉPAVE POUR UN
PORT NEUF
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- Le port de transit ne pouvait augmenter son
activité que dans la mesure où l'activité
commerciale de l'Éthiopie évoluerait rapidement.
La voie ferrée permit l'augmentation du mouvement commercial,
certes, mais pas plus que le pays ne pouvait fournir ou assimiler.
De plus, la succession de Ménélik ouvrit une période
de troubles et d'instabilité, donc défavorable
aux échanges. Le gouverneur Chapon-Baissac établit
un programme en 1923, visant à réaliser à
Djibouti des installations maritimes permettant aux grands navires
de faire à quai le chargement et le déchargement,
l'approvisionnement en aliments frais, en eau, en charbon et
même en pétrole, pour répondre à la
nouvelle demande. Malheureusement, ces projets n'aboutirent pas.
Pour le gouvernement français, la C. F S. n'était
qu'une petite colonie. Djibouti était une charnière
commerciale de l'Empire. Mais c'était aussi ce que Deschamps
appelle une "colonie de relation", permettant d'entretenir
des rapports avec les pays voisins. La pièce maîtresse
de l'empire dans l'océan Indien était évidemment
Madagascar.
C'est un événement fortuit qui permit de changer
complètement la structure du port. Le 12 juillet 1926,
arriva en rade le Fontainebleau, vapeur des Messageries Maritimes
qui faisait la ligne de Chine. Il transportait du coton dans
ses cales et le feu s'était déclaré à
bord. Il n'y avait pas de possibilité sur place pour éteindre
l'incendie (peut-être attisé d'ailleurs par le Khamsin).
Un seul moyen se présentait: inonder les cales. Le 13
juillet à 18 heures, le bateau s'échouait et se
couchait sur le tribord au milieu de la rade. L'épave
était disgracieuse, mais surtout dangereuse pour la navigation.
On eut alors l'idée de relier l'épave au plateau
du Marabout (probablement l'ingénieur Duparchy) afin de
réaliser un port en eau profonde. Il fallait lancer une
jetée, la "jetée du large " de près
de 700 m de long. Les travaux furent confiés à
la Société des Batignolles et débutèrent
en 1931. Une première tranche fut achevée en 1935,
la suite des travaux fut interrompue par la Seconde Guerre mondiale.
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- EN ÉTHIOPIE: L'INVASION
ITALIENNE
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- L'affaire commença le 5 décembre
1934 avec "l'incident de Oual-Oual" entre Éthiopiens
et Italiens. L'Éthiopie, membre de la S. D. N. depuis
1923, porta le conflit devant cette assemblée. Le 28 septembre
1935, Haïlé Sélassié décréta
la mobilisation générale. Le 3 octobre, sans déclaration
de guerre, les Italiens déclenchèrent l'invasion,
à la fois -par l'Érythrée au nord et par
la Somalie au sud. Le 6 octobre, Adoua était prise et
l'honneur italien "vengé ". Le 18 octobre, la
S.D.N. vota des sanctions qui ne servirent à rien. Le
1" mai 1936, l'Empereur dut s'enfuir. Exilé en Angleterre,
il n'abdiqua jamais. Le 5 mai, Addis-Abéba était
occupée et le 9 mai l'empire italien proclamé.
En novembre était soudé l'axe Rome-Berlin.
Quelle fut la position de la France dans toute cette affaire?
Pierre Laval, ministre des Affaires Étrangères,
déclara à la Chambre le 28 décembre 1935,
qu'il avait consenti à l'Italie le droit de demander des
concessions dans toute l'Éthiopie. La France abandonnait
ses avantages économiques et son influence en Éthiopie
pour les concéder à l'Italie, en faveur du "développement
pacifique" de l'action italienne en Éthiopie, Mussolini
prit cela comme un accord lui permettant d'agir les mains libres.
Au moment de l'agression, la colonie fut déclarée
neutre dans le conflit, signe de la bienveillance de Laval.
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- LA FIN DES VAPEURS : L'INSTALLATION
DES SOCIÉTÉS PÉTROLIÈRES
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- Avant et pendant la conquête italienne,
Djibouti continua son effort de développement et de modernisation.
Avec les Italiens en Ethiopie, les conditions changèrent
complètement. Ils sollicitèrent le Chemin de Fer
au maximum de ses possibilités pour servir au transport
des troupes et de leur ravitaillement, du matériel de
guerre et aux multiples marchandises d'importation nécessaires
au vaste programme d'équipement lancé dans tout
le pays. A partir de 1936, le port de Djibouti vit son trafic
augmenter considérablement, de même pour le Chemin
de Fer.
Pour faire face à cette demande nouvelle, la compagnie
modernisa son matériel roulant: quatre automotrices Fiat
et de nouvelles locomotives permettaient de faire circuler des
convois la nuit, donc de réduire considérablement
la durée du voyage de Djibouti à Addis-Abéba.
Au lieu de trois jours avec deux nuits passées à
Diré-Daoua et Aouache, on pouvait mettre une nuit et une
journée. Pour augmenter la capacité de transport
des voyageurs et leur confort, on mit en service de nouvelles
voitures, dont une voiture salon panoramique et une voiture restaurant.
Dès 1936, une piste camionnable fut tracée qui
doublait la ligne en passant par Ali-Sabieh et Diré-Daoua.
Au port, il fallut s'adapter au nouveau mode de propulsion des
navires. On construisit donc le premier réservoir à
carburant en 1937, sur le Plateau du Marabout. L'année
suivant, un terre-plein fut aménagé au nord du
Marabout. La Société des Pétroles de Djibouti,
filiale de la Shell, y installa d'autres réservoirs et
des pompes et tuyaux nécessaires à l'alimentation
directe des navires. Juste avant la guerre, le port offrait donc
6200 m² de hangars et 4 km de voies ferrées distribuées
sur le Marabout, un quai en eau profonde au Fontainebleau, un
quai à caboteurs et chalands à la jetée
Duparchy et des terre-pleins d'entrepôts, un parc à
charbon, des réservoirs à carburant avec chargement
direct à quai. Cette prospérité ne devait
pas durer longtemps...
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- LES AMBITIONS DES FASCISTES
ITALIENS
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- La situation changea du tout au tout avec
la dégradation des relations franco-italiennes et les
revendications de Mussolini, énoncées au début
de décembre 1938 par le comte Ciano: la Savoie, Nice,
la Corse, la Tunisie et la Côte Française des Somalis.
Ne pouvant prendre possession de toute la ligne de chemin de
fer, les Italiens décidèrent de neutraliser Djibouti
en rendant le port et la ligne inutiles par la construction de
routes goudronnées reliant Assab et Massaoua à
Addis-Abeba. Les travaux furent menés avec rapidité
et les effets ne se firent pas attendre: de 700 tonnes par jour,
le transit tomba à 300. Le chômage s'installa, l'Afrique
Orientale et le Chemin de Fer commencèrent à débaucher.
Djibouti avait cessé d'être le seul débouché
de l'Éthiopie sur la mer.
A Paris, le gouvernement avait répliqué aux revendications
italiennes par une fin de non-recevoir et organisé la
défense de la C. F S en envoyant à Djibouti 4000
hommes de troupe dont de nombreux "Tirailleurs Sénégalais",
2 navires de guerre et une escadrille de Potez. Ces forces étaient
dirigées par le général Le Gentilhomme.
Celui-ci fit creuser des fossés anti chars autour et dans
la ville, édifier des casemates et blockhaus à
Ambouli, Doralé, creuser des galeries dans les collines
à Farah-Had, Ali-Sabieh et Dikhil.
Les menaces de guerre atteignaient Djibouti.
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- L'ÉPREUVE ABSOLUE:
LE BLOCUS
Aux premiers jours de la guerre, les
familles européennes furent évacuées alors
qu'il était encore temps vers l'Indochine, Madagascar
ou le Liban, au gré des mouvements des navires. Les Arabes
furent invités à partir pour le Yémen et
les Somalis "britanniques" pour le Somali land. On
conseilla aux familles du pays de rejoindre les campements de
l'intérieur, par crainte de bombardements ou d'invasion.
A la déclaration de guerre franco-italienne, les Italiens
n'attaquèrent pas. Il leur semblait inutile de se battre
pour acquérir une colonie qui devait leur tomber dans
la main dès la signature de l'armistice. On se mit d'accord
finalement autour d'un statu-quo. Les Anglais, soucieux d'empêcher
toute possibilité de ravitaillement aux Italiens par le
port et le Chemin de Fer, instaurèrent un blocus maritime
des côtes. Djibouti entrait dans la période la plus
affreuse de son histoire - le blocus (le Karmi-i) - durant laquelle
tout était remis en question. Vidée de la majeure
partie de ses habitants, son port exsangue, son chemin de fer
coupé, la ville était en état de siège,
livrée aux militaires, son approvisionnement interrompu,
sa population affamée: ce n'était plus Djibouti!
Nul ne savait alors ce que réserverait un avenir qui semblait
bien sombre. On voulait tenir quoi qu'il arrive, dans l'espoir
d'une renaissance à l'issue du conflit.
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- LA VIE QUOTIDIENNE A DJIBOUTI
DANS LES ANNEES TRENTE
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- Transportons-nous un instant dans les années
trente. Le décor a déjà été
planté: le port de commerce, le rocher du Palais, les
paquebots et cargos en rade, les arcades de la place Ménélik,
le soleil, les calèches... Il nous manque les personnages,
les cris des enfants, l'animation de la rue, les senteurs.
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- LA COLONIE EUROPÉENNE
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- Aux côtés du Gouverneur se tenait
son Conseil d'administration consultatif comprenant le Procureur,
les Présidents de la Chambre de Commerce, du Chemin de
fer, de la Banque de l'Indo-Chine et des Salines.
Le Directeur du Chemin de fer était le grand personnage.
Il avait la position la plus importante car il représentait
à la fois la finance et le commerce, Djibouti, l'Éthiopie
et Paris. Il était l'instrument indispensable de la prospérité.
On dit qu'il dirigeait en fait la politique locale et on lui
prêtait le pouvoir de faire et défaire les Gouverneurs.
L'autre représentant de la finance était le Directeur
de la Banque de l'Indo-Chine, une des grandes "Banques Coloniales"
et qui émettait le papier-monnaie.
Les Salines et l'Afrique représentaient les autres activités
principales de la colonie. On peut leur associer les hauts fonctionnaires:
le Gouverneur et son Secrétaire Général,
accompagnés de quelques chefs de Service.
Si le Gouverneur logeait au Palais, les autres habitaient au
Plateau du Serpent. Banlieue lointaine du centre-ville au départ,
le Serpent devint par la suite le quartier résidentiel.
Le Directeur du Chemin de fer donna le ton et l'on s'avisa que
le bord de mer était bien agréable. On s'installa
à l'est afin de profiter de l'Alizé et de la Brise
de mer. La place ne manquait pas pour construire de grandes demeures
aux larges galeries, implantées au milieu d'une vaste
concession. Il n'était guère possible d'y aménager
des jardins, faute de pouvoir arroser suffisamment. Mais on planta
un arbre nouveau venu qui s'adaptait bien aux conditions locales:
le laurier somali (appelé plus souvent laurier du Yémen).
Il avait été ramené d'un oued de Somalie,
par un cuisinier de l'Hôtel Continental. Les premiers avaient
été plantés par monsieur Rhigas devant son
hôtel. Ils firent des petits dans toute la ville et contribuèrent
à en changer l'aspect. Le Serpent n'était pas encore
verdoyant et ombragé comme de nos jours, mais en passe
de le devenir.
Ce "Tout-Djibouti" se recevait à tour de rôle,
servi par un personnel nombreux. Ce ne fut jamais "la grande
vie coloniale", les ressources locales et la taille réelle
de la colonie ne le permettaient pas.
Les activités tournaient donc autour des échanges
de toutes sortes. Les maisons d'import-export étaient
évidemment les plus nombreuses. Elles commerçaient
avec l'Éthiopie, l'Europe, les Indes, Aden. Ce port resta
jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale la grande place
financière et commerciale, le plus grand port de toute
la région.
On trouve ensuite tous ceux qui travaillaient au transport: les
compagnies maritimes pour l'affrètement, l'armement, l'aconage
et l'accastillage des navires. C'étaient les succursales
de grandes compagnies françaises ou étrangères
plus quelques compagnies locales.
En dehors du grand commerce international, certains commerçants
s'occupaient du commerce local: l'approvisionnement de la ville
et de l'arrière-pays. Quelques grossistes étaient
purement locaux.
- Enfin, quelques marginaux étaient
plus des trafiquants que des commerçants. C'est le lot
de tous les ports... Ce commerce extra légal concernait
principalement les armes. Le trafic portait aussi sur d'autres
marchandises telles que les perles, l'alcool, les stupéfiants...
A côté du mouvement commercial proprement dit, les
hôteliers étaient peu nombreux. Deux grands hôtels
se partageaient l'essentiel de la clientèle: l'Hôtel
des Arcades (qui affichait: "Maison française")
à l'entrée de la ville et l'Hôtel Continental,
vaste bâtisse sur la place Ménélik, appartenant
au Grec Rhigas. Les hôtels de Djibouti ont toujours marqué
les voyageurs de l'époque. Les conditions locales n'étaient
guère propices au confort. Peu d'eau, donc peu de salles
d'eau, qui étaient communes à l'étage par
conséquent, avec une alimentation artisanale: des citernes
remplies par pompe Japy à main. Peu d'électricité,
donc peu de ventilation. Les cloisons et sols en bois. Mais on
appréciait tellement la glace du comptoir...
Dans les maisons de la colonie européenne le mobilier
était simple, souvent réduit à l'essentiel.
Le lit, un "angareb " local ou un brand (lit de toile
tendue sur un chevalet de bois) était le plus aéré
possible et recouvert d'une moustiquaire suspendue au plafond.
On couchait parfois dehors pour disposer du plus de fraîcheur
possible. Durant la saison chaude,, l'humidité (décuplée
par rapport à l'époque actuelle par l'évaporation
des Salines) empêchait le sommeil à cause de la
transpiration permanente. On se levait plusieurs fois dans la
nuit pour se doucher et se recoucher mouillé sur son drap,
ou, mieux enveloppé dans un drap mouillé.
Les réservoirs disposés sur les toits permettaient
d'avoir de l'eau pour prendre une douche le matin, avec de l'eau
fraîche, refroidie par la nuit.
Un personnel aux tâches spécialisées accomplissait
les tâches domestiques. Au minimum, un "boy"
et, selon la situation, un cuisinier, un chauffeur, un jardinier,
un gardien. Personnel essentiellement masculin donc, sauf parfois
une Ethiopienne comme nurse pour les enfants.
La cuisine se faisait au charbon de bois, les frigidaires - quand
il y en eut - fonctionnaient au pétrole. On avait des
glacières que l'on garnissait de pains de glace venant
de la Glacière Kervorkoff (puis Coubèche).
L'approvisionnement se faisait au marché et dans les boutiques
de la ville chez les épiciers grecs. Les légumes
verts étaient rares, on les remplaçait par des
conserves. Le Docteur Bouffard, au début du siècle,
énumère: l'eau, légèrement salée,
doit être filtrée. On trouve du lait de chèvre;
viande de buf de Harar; du mouton et de la chèvre
locaux, des poulets d'Arabie, venus par boutre ou de Harar par
train; des oeufs; du gibier à plumes (un peu coriace),
du lièvre; du dig-dig (gazelle naine); du poisson à
chair fine; des huîtres (de palétuvier), des gros
crabes, des crevettes et des langoustes; des légumes d'ambouli:
radis, salades, carottes, tomates, choux, blettes et navets,
d'octobre à juin; des légumes de Harar venus par
train et d'Arabie: citrons, oranges, bananes et dattes et enfin
des aliments et conserves de France venus par bateau.
La tenue vestimentaire était assez uniforme: l'inévitable
casque colonial, un vêtement de toile blanche aux manches
longues, au col droit empesé. Robe longue pour les dames...
Cette tenue se démocratisa au fil des années. Si
l'on empesait moins, le pantalon long resta de rigueur ainsi
que le casque - quoique moins haut. Il fut abandonné après
la guerre.
Les distractions étaient rares. La plage n'était
pas prisée comme de nos jours et il n'était pas
séant de bronzer. On se recevait beaucoup, on se promenait
à cheval, on allait à la chasse. Un golf avait
été tracé au-delà de Gabode. On ne
manquait pas de se divertir les jours de fête: bals et
même bals masqués à la salle des fêtes,
Place Lagarde ou dans la grande salle de l'Hôtel Continental
où l'on recevait pour les mariages. Monsieur Gleyze (père),
pionnier du cinéma, installa un projecteur dans la salle
des fêtes qui devint le Cinéma Eden, place Lagarde.
La santé était confiée aux mains des médecins
de l'Hôpital, devenu Hôpital Peltier. Les maladies
les plus à craindre étaient la tuberculose, endémique
dans le pays et le fameux coup de chaleur. Ce dernier était
fréquemment mortel: la mort survenait par asphyxie brutale,
la température montant à 42° ou 43° provoquait
une congestion pulmonaire intense. La forme légère
se manifestait par une angoisse respiratoire, une céphalgie,
de la fièvre et un arrêt de la transpiration. Les
cardiaques, les obèses et les alcooliques y étaient
prédisposés. Le docteur Bouffard signale 10 cas
mortels en 4 ans sur 500 Européens. Il n'y avait pas de
paludisme, sauf à Ambouli.
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- LES HABITANTS DU PAYS
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- Il faudrait
retracer la vie et l'uvre de tous les notables de Djibouti,
ce qui permettrait d'avoir une histoire plus "djiboutienne"
de cette époque.
Pour la majorité de la population, une foule de petits
métiers était accessible: les métiers -qui
ne demandent que peu ou pas d'investissement, peu ou pas de qualification.
Ils pouvaient trouver du travail auprès des grandes sociétés
de la place.
Au port, s'activait une foule de dockers: il fallait charger
et décharger les cargos, emplir et vider les chalands,
entreposer les marchandises, les voiturer, charger et décharger
les wagons du Chemin de fer. Autant d'activités que l'on
retrouve dans tous les ports du monde; mais songeons à
la difficulté des manutentions par 45° à l'ombre
(et il n'y avait pas d'ombre, ni au port, ni en rade), et par
vent de Khamsin. Le plus pénible devait être le
travail des charbonniers. Étant donné le climat,
la poussière était encore plus abondante qu'ailleurs.
Pas de conducteur d'engins au port, pour la simple raison que
tout se faisait à la main (mises à part quelques
petites grues), même hisser les chalands sur le sleep de
carénage: on utilisait des treuils à grands volants.
Les plus marins pilotaient les remorqueurs à chalands
et les chaloupes à vapeur qui allaient chercher les passagers
à l'échelle de coupée. Les soutiers et chauffeurs
des Messageries étaient recrutés essentiellement
à Djibouti.
Au Chemin de fer, rien de bien original: des agents de la voie
pour son entretien, des porteurs, des débardeurs de marchandises,
des charbonniers 9 des agents d'entretien, des graisseurs, des
chauffeurs...
Que dire du travail aux Salines! On reste confondu devant la
dureté des conditions de travail: les pieds dans la saumure,
la tête au soleil. Les salaires étaient intéressants,
mais il y avait un important roulement du personnel, car on n'y
travaillait pas longtemps. On trouvait ici une foule de manuvres:
les terrassiers pour l'entretien des digues et canaux, la surveillance
de la circulation des eaux, les ramasseurs de sel dans les bassins,
les confectionneurs de tas, les porteurs de seaux pleins de sel
à verser sur les tapis roulants, les étonnants
piocheurs de sel sec, qui travaillaient sur des montagnes de
sel d'un blanc resplendissant ressemblant à des icebergs;
les ensacheurs; les peseurs, les manutentionnaires du Chemin
de fer Decauville; les dockers du port au sel qui chargeaient
les cargos sauniers, depuis les chalands au moyen de cuves manoeuvrées
par les palans du navire, le sel sous les pieds, sur la tête,
autour et partout.
Les maisons de commerce employaient aussi une quantité
de manuvres, porteurs, charretiers. Chez les marchands
de café, on trouvait les fameuses trieuses de café,
travail spécifiquement féminin. Spectacle pittoresque
que ces femmes accroupies devant d'énormes tas de café
odorant, sous les arcades du centre-ville, bavardant ou chantant
pour rythmer leurs gestes rapides. Après elles, les ensacheurs
confectionnaient les ballotins de café, pesés,
marqués selon leur qualité, et les charretiers
qui tiraient à bras d'homme, harnachés de cordes,
les plateformes chargées, jusqu'aux quais de la douane,
au pied du Palais.
Les marchands de peaux trouvaient facilement du personnel qualifié:
les Somalis sont des éleveurs, ils savent parfaitement
dépouiller chèvres et vaches. D'autres peaux venaient
d'Éthiopie par le Chemin de fer. Ces activités,
moins agréables à l'odorat que le tri du café,
étaient pratiquées à Boulaos, à l'écart
du centre-ville, près des entrepôts.
- La construction employait des maçons
yéménites, mais aussi des tailleurs de madrépore,
des manuvres pour le chargement des chalands à madrépore,
pour le sciage des moellons, des menuisiers pour la confection
des charpentes, planchers, escaliers, vérandas, huisseries,
moucharabiehs, etc.
La mer fournissait du travail aux pêcheurs de toutes sortes:
la pêche aux poissons, langoustes, crevettes, crabes et
coquillages, qui étaient vendus au marché. La clientèle
était essentiellement européenne. Certains pêcheurs
vendaient leurs prises en faisant du porte à porte chez
les Européens. Pêche encore aux coquillages, pour
la nacre: trocas et nacres exportés pour la fabrication
des boutons; pêche aux huîtres perlières.
Voilà bien encore des métiers difficiles: ces pêcheurs
travaillaient sans appareil de plongée évidemment,
simplement en apnée. Il faut lire les descriptions de
Monfreid. Plus d'un y laissa la vie (épuisement, requins)
ou au moins l'ouïe.
Au quartier Deux, existait une presse à huile, montée
par des Arabes d'Aden. Un grand mortier était actionné
par un chameau, il écrasait les grains de sésame
venus du Yémen. L'huile était vendue en ville sous
le nom de salid goulgoul.
A Ambouli travaillaient des jardiniers yéménites,
dans les jardins du Gouvernement, mais aussi dans les jardins
privés - tous jardins maraîchers - et dans les palmeraies.
Ils avaient reconstitué leur vie simple des côtes
yéménites: confection des carrés et des
rigoles d'irrigation; culture des légumes, creusement,
empierrage et entretien des puits; puisage de l'eau au chadouf
et arrosage le soir.
Ils vivaient la journée dans des huttes de feuillage de
palmier, près du puits et de la citerne. Un membre de
la famille partait en ville avec ses paniers accrochés
à un balancier lancé sur les épaules pour
vendre la production. Le soir, tout le monde rentrait chez soi,
à Ambouli, où un village s'était constitué
sur une butte alluviale à l'abri des crues de l'oued.
De l'intérieur venaient les nomades pour pratiquer leurs
échanges sur la Place Rimbaud (Mahmoud Harbi). Là
s'activaient les marchandes de lait et de beurre, vieilles femmes
accroupies devant leurs pots de bois et leurs calebasses ventrues
sur odeurs de fumées aromatiques.
Les marchands d'animaux: moutons, chèvres et cabris; les
marchandes de bois aux lourds fagots, ployées sous le
faix ou assises devant des tas d'un bois rouge, court et noueux,
disposé en carrés, si agréablement odorant;
les marchands de charbon de bois; les marchandes d'épices,
épices d'Éthiopie et des Indes, leurs petits tas
de poudres et écorces aux couleurs variées disposés
à même le sol sur du papier d'emballage. Les marchands
d'encens de toutes les espèces, venus de somalie : foh,
djaoui, maskati, makaddi, beiho, malmal. Toutes les senteurs
de l'Orient et de l'Afrique de l'Est, du cap des Aromates - le
cap Gardafui - et de l'Abyssinie.
Les rues commerçantes abritaient tous les petits commerces,
les doucanes,, marchands de tissus, quincaillerie, épices,
dattes, pétrole lampant, épiceries de toutes sortes;
fabricants d'angarebs, cafés servant le "char",
traditionnel thé de Ceylan, avec ou sans lait de chèvre,
aromatisé à la cardamone (Hdil) et à la
cannelle, fortement sucré. Sur la Place Ménélik,
les "pacotiers" arpentaient les terrasses des cafés
pour proposer aux clients, surtout les jours d'escale des paquebots,
toute une petite marchandise de bric et de broc; les petits cireurs
frottaient à qui mieux mieux les chaussures débarrasées
des guêtres blanches; les cochers hélaient les passants
qui hésitaient à monter dans la calèche
antique, mais qui finissaient par céder, préférant
se faire voiturer que marcher, exposés aux ardeurs du
soleil. Il y avait une centaine de cochers, "garriwalgué"
qui conduisaient les passagers depuis l'Escale jusqu'en ville
et jusqu'aux ombrages d'ambouli. Ces calèches dataient
de l'Exposition Universelle. Elles furent remplacées petit
à petit par des voitures automobiles. Elles avaient été
précédées par des chars à banc, munis
d'un auvent pare-soleil et de grands draps blancs sur les côtés.
Les vendeurs d'eau comptaient à leurs clients les touques
d'eau qu'ils remplissaient au tonneau,, tiré par un âne
ou au foudre, tiré par un chameau. D'autres, plus modestes,
portaient deux touques (touques de pétrole réutilisées)
au bout d'un balancier. Les femmes n'en portaient qu'une sur
les hanches. Des artisans confectionnaient, à même
la rue, avec ces mêmes touques, des braseros. Les lamelles
issues du couvercle découpé, étaient croisées
et introduites dans le corps du bidon pour faire office de grille
porteuse du charbon de bois. D'autres réparaient ou fabriquaient
des sandales avec de la peau de vache, cousant plusieurs épaisseurs
pour réaliser la semelle. Les premières machines
à coudre firent leur apparition et toujours dans la rue
- des hommes taillaient et cousaient des vêtements. Des
enfants conduisaient un groupe de passagers en visite, casque
colonial tout neuf sur le chef pour les messieurs, ombrelle obligatoire
pour les dames.
Les ménagères somalies faisaient leurs emplettes,
la tête serrée dans un mouchoir de couleur, aux
bouts tortillés noués au-dessus du front. Seules
les femmes arabes étaient voilées et vêtues
de noir.
Près de la Grande mosquée, des Juifs venus du Yémen
confectionnaient et vendaient des bijoux, pratiquaient le change,
vendaient des plumes d'autruche et autres curiosités locales.
Au marché central s'affairaient les bouchers dont la viande,
chèvre, mouton, vache, était accrochée à
l'air sous l'auvent. Les marchands de légumes venaient
d'ambouli. On y vendait aussi du poisson.
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- CREATION DU PORT FRANC
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- C'est en 1949 que Djibouti devient un port
franc. C'est aussi à la même date que l'on crée
le Franc Djibouti rattaché au dollar.
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- VERS L'INDEPENDANCE
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- Les 25 et 26 août 1966, le général
de Gaulle, chef de L'État français en visite à
Djibouti est accueilli aux cris de Indépendance par la
foule venue l'acclamer ; et brusquement le 26 au soir, la Légion
Etrangère intervient brutalement contre les manifestants,
il y a plusieurs dizaines de morts et de nombreux blessés.
Le général de Gaulle ne parait pas en public et
quitte Djibouti dès le lendemain.
De nombreux Djiboutiens interrogés sur ces événements
vous diront qu'il y a eu un gros malentendu. D'après eux,
la foule était réellement venue acclamer De Gaulle
qu'elle tenait en haute estime et qu'elle croyait porteur de
promesses d'indépendance et encore à l'heure actuelle
personne ne comprend la réaction dure qui a suivi.
- En 1967 à la suite d'un référendum,
le pays de Djibouti est appelé Territoire français
des Afars et des Issas (TFAI) et ses structurés gouvernementales
modifiées mais toujours sous la tutelle française.
Une prise de conscience nationaliste se développe dans
le pays, non sans heurts et difficultés, elle devient
bientôt irréversible. Trois noms devaient s'imposer
à cette occasion : Mahmoud Harbi, Hassan Gouled et Mohamed
Kamil.
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- L'INDEPENDANCE
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- Le 8 mai 1977, la population djiboutienne
consultée optait pour l'indépendance et le 27 juin
cette indépendance était proclamée, donnant
naissance à la république de Djibouti avec à
sa tête le président Hassan Gouled Aptidon.
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- VERS LE MULTIPARTISME
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- En 1992 l'instauration du multipartisme crée
des conflits à l'intérieur du pays. La république
est divisée. La guerre entre le gouvernement et le FRUD
est déclarée. Elle durera environ 2 ans.
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- ELECTION PRESIDENTIELLE
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- En 1999, la république de Djibouti
a un nouveau président Ismaël Omar Guellel.
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- Les textes sont tirés du livre "DJIBOUTI
HIER" sauf les parties "L'indépendence, vers
le multipartisme et élection présidentielle".
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